A noter en préambule : Les termes « produits », « sous-produits », et « déchets » n’existent pas dans REACH mais font référence à la Directive Déchets 2008/98/CE ou au Code de l’environnement.
Dès qu'un matériau sort du statut de déchet[1] et qu’il est mis sur le marché en tant que substance, mélange ou article, il devient soumis à REACH au même titre qu’un produit neuf.
Certaines exemptions spécifiques peuvent alors s’appliquer, sous conditions, aux recycleurs/opérateurs de valorisation européens mais la plupart des exigences de REACH sont applicables sans dérogations.
Voici les points à retenir sur l’application de REACH aux produits provenant d’une SSD :
1- Identifier le statut de votre « produit » issu de l’opération de valorisation : substance, mélange ou article ?
Afin d’évaluer les exigences réglementaires qui s’appliquent à votre « produit », il est d’abord essentiel d’identifier clairement si le matériau est une substance en tant que telle, un mélange (contenant deux ou plusieurs substances qui ne réagissent pas entre elles) ou un article, conformément aux définitions de REACH (article 3).
Pour vous aider : Guide de l'ECHA pour l’identification et la désignation des substances dans le cadre de REACH et de CLP; Guide pour les substances dans les articles.
Et pour les cas ambigus (article substance ou mélange): le Catalogue du groupe de travail européen « BWG ».
La distinction entre le statut substance en tant que telle ou dans un mélange n’est pas toujours aisée. Il faut distinguer :
- Les substances « bien définies », avec une composition qualitative et quantitative connue
→ substances mono-constituant ou substances multi -constituants (substances résultant d’une réaction chimique, et dont le nom des constituants est précédé du terme « masse réactionnelle » ou « reaction mass »)
- Les substances dites « UVCB » (acronyme anglais pour les substances de composition inconnue ou variable, les produits de réactions complexes ou les matériels biologiques) qui sont quant à elles définies par leur source d’origine ou leur process de production/valorisation,
- Les substances contenues dans un mélange. Ici ce terme est limité aux mélanges qui ne sont pas le résultat d’une réaction chimique (contrairement aux « reaction mass » citées ci-dessus)
Il revient à l’opérateur de valorisation de prendre position sur ce statut, en s’appuyant sur les guides précités.
2- Enregistrement ou exemption ?
Les substances valorisées, telles quelles ou dans un mélange, sont soumises à enregistrement dès qu’elles ne sont plus considérées comme déchet (cf. FAQ ECHA 1096). Pour mémoire, REACH impose l’enregistrement à partir d’1 tonne/an de fabrication.
Toutefois, les substances valorisées peuvent bénéficier d’une exemption d’enregistrement par l’opérateur européen de valorisation, selon l’article 2.7.d de REACH si toutes les conditions suivantes sont remplies :
a) La même substance doit avoir été enregistrée par un fabricant ou importateur dans l’UE (cf. FAQ ECHA 1097).
→ la similitude de la substance valorisée doit être établie: le caractère identique de la substance doit être évalué conformément aux critères définis dans le Guide de l'ECHA pour l’identification et la désignation des substances dans le cadre de REACH et de CLP cité ci-dessus.
Si la substance elle-même a été modifiée lors du procédé de valorisation et si la substance modifiée n’a pas été déjà enregistrée, alors l’opérateur doit procéder à l’enregistrement de la substance.
Dans le cas des substances valorisées, il n’est pas toujours possible d’avoir des données analytiques. Il est cependant nécessaire pour se prévaloir de l’exemption prévue à l’article 2.7.d de REACH de pouvoir justifier de l’identité de la substance. Les informations pertinentes (origine des déchets, étapes du procédé garantissant que certaines impuretés ne sont pas présentes dans la substance récupérée ou le mélange…) doivent être documentées afin de comparer l’identité de la substance valorisée avec celle qui a déjà été enregistrée.
b) L’entité légale ayant effectué la valorisation doit s’assurer qu’elle dispose :
- des informations à intégrer dans la fiche de données de sécurité (FDS) ; ou
- si la substance est fournie au grand public, des informations suffisantes permettant aux utilisateurs de prendre les mesures de protection nécessaires ;
Si l'exemption ne peut pas être justifiée et que la fabrication de la substance atteint le seuil de 1T/an, alors l’opérateur de valorisation devra procéder à un enregistrement.
∇Point de vigilance :
→ Traçabilité :Dans le cas où l’opérateur de la valorisation estime pouvoir bénéficier de l’exemption prévue à l’article 2.7.d de REACH, il doit en conserver toutes les preuves, qui pourront être demandées lors de toute visite par les autorités de contrôle (art. 36).
→ Impuretés : Les matériaux recyclés peuvent contenir des impuretés provenant des déchets dont ils sont issus. Si ces impuretés modifient la classification selon CLP ou introduisent des substances extrêmement préoccupantes (liste des substances SVHC), cela déclenche des obligations supplémentaires (étiquetage, FDS, restrictions).
∇Autre point d’attention : les « sous-produits » (tels que définis à l’article 5 de la directive Déchets) issus d’un processus de production (et non d’un processus de valorisation) ne sont pas exemptés d’enregistrement s’ils sont mis sur le marché.
Pour vous aider : Guide de l’ECHA sur les déchets et substances valorisées
3- Obligation d’information et de communication
Les exigences sont applicables aux substances, mélanges et articles, valorisés ou non
Pour les substances et mélanges (recyclés ou non):
- Fournir une fiche de données de sécurité (FDS) si la substance ou le mélange est classé dangereux (selon les critères du règlement CLP) ou contient certaines substances extrêmement préoccupantes (SVHC).
Pour les articles (recyclés ou non) :
- Respecter les obligations de communication des substances dans les articles (article 33 REACH) si celui-ci contient une substance SVHC >0,1 % poids/poids.
- Notifier les substances à l’ECHA via la base SCIP (directive déchets – obligations de notification pour les SVHC dans les articles).
Pour vous aider : focus SVHC et articles, focus SCIP, FAQ 523 (articles recyclés)
4- Restrictions (Annexe XVII)
Les restrictions REACH s’appliquent également aux substances et articles recyclés. Par exemple :
- Le plomb (entrée 63), le cadmium (entrée 23) dans le PVC recyclé (restriction spécifique)
- Les phtalates (DEHP, DBP, BBP et DIBP …), les HAP dans le caoutchouc ou le plastique (entrée 50)
Même si la substance provient d’un flux de déchets, l’article final doit respecter les limites de concentration définies par REACH ou d’autres réglementation sectorielles (jouets, emballage alimentaires, ROHS, etc…)
Pour vous aider : focus Restrictions
5- Autorisation (Substances de l’annexe XIV)
Les utilisations de substances valorisées ne sont pas exemptées de la procédure d’autorisation (FAQ 566 de l’ECHA). En d’autres termes, l'utilisation d'une substance figurant à l’annexe XIV de REACH, valorisée ou non, est soumise au préalable à l’obligation d’autorisation.
[1] Une substance valorisée issue d’un déchet conserve, par défaut, le statut de déchet jusqu’à ce qu’il respecte les conditions de sortie de statut de déchet (SSD). Hors cas particuliers (ex. pièces détachées de VHU), une sortie de statut de déchet se fait en application d’un règlement européen ou d’un arrêté ministériel de sortie de statut de déchet ou d’une démarche de SSD au sens de la loi Industrie Verte ou d'une démarche de SSD après préparation à la réutilisation pour un même usage. Il devient alors « un produit » et « cesse d’être un déchet » au sens de l’article L. 541-4-3 du Code de l’environnement. Pour plus d’informations, voir notre Focus Interface REACH/Déchet.